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Cinquième voyage du R.P. Pierre Chastanet au Viêt-Nam, décembre 2002 - janvier 2003

Je partis de Toulouse-Blagnac le 16 décembre 2002 au matin et arrivai à Saïgon le décembre au matin, après une escale à Paris-Roissy et à Dubaï. La voiture que le P. Liên, curé de la cathédrale de Kontum, avait envoyé pour me récupérer et m’emmener à Kontum était là. Mais comme j’avais très peu dormi dans l'avion, je profitai de l’après-midi pour me reposer. Le lendemain, le chauffeur, accompagné du P. Ly, vint me chercher et la voiture prit la route le 13 décembre à 5h (à partir de 6 h. il est impossible de rouler en ville à plus de 20 km/h pendant au moins 50 km). Après deux arrêts pour manger et un autre pour nous soulager et nous détendre les jambes, nous arrivâmes à Kontum vers 17 h. J'allai aussitôt célébrer la messe.
Pendant les dix jours qui précédèrent Noël, je me mis à la disposition des pénitents : 2 200, avec une pointe (866) les 23 et 24 décembre. Les Sedang n’avaient pas eu l'autorisation de venir avant cette date (que c’est beau la liberté) ! Je m'aperçus qu'après une absence de plus de trente-cinq ans, j’arrivais à comprendre suffisamment pour entendre les confessions, et même pour situer le lieu de leur ancien district pour beaucoup d'entre eux.
À la messe du 24 au soir, il y eut plus de 10 000 fils de la montagne (c'est ainsi qu'ils aiment s'appeler). Ils furent plus nombreux encore le 25 au matin. En semaine, à 5 h, il y a tous les jours au moins 300 personnes à la messe. Deux matins, il y eut des mariages, un groupe de 7, et un autre de 4. Ces deux jours, l'assistance fut plus nombreuse : certains étaient venus de villages éloignés de plus de 4 km.
Après les confessions, un soir, je rencontrai un homme qui me dit être né en 1930. Il avait parcouru 60 km à pied pour venir se confesser et assister à la messe : il n'avait pas d'argent pour payer le car. Avant Noël, je partis en voiture avec le P. Liên et son vicaire pour aller confesser les chrétiens dans un village distant d'une vingtaine de kilomètres. Comme les chrétiens nous attendaient, nous terminâmes les confessions en une demi-heure.
Le 24 au soir, le P. Truong alla célébrer la messe dans ce village. Ensuite, il se rendit dans un autre village à 6 km de là. Le Père Ly, de son côté, s’était rendu à Kon Trang Long Loi (au nord de Kontum). Le 28, fête de la Sainte Famille, le P. Liên se rendit dans les villages de Kon Somluh, Kon Tenê et Kon Plong (à l'est de Kontum). Le soir, à son retour, il était fatigué.
Après les fêtes de Noël, je me rendis dans plusieurs villages pour rencontrer les chrétiens, chez eux. Je me rendis compte que, même s'il n'y a plus d'eau dans le puits qui s'est écroulé, mon argent n’a pas été totalement perdu, puisque le chef du district de Dak Ha a fait capter les sources du Dak huy, à 6 km dans la montagne. Déjà, des réservoirs en ciment ont été installés derrière chaque maison, et des militaires commencent à installer des tuyaux en caoutchouc. Il y a bon espoir pour qu'il y ait de l'eau l’année prochaine.

Je fis quelques sorties à pied autour de Kontum et, aussi, dans la vieille ville où j'ai retrouvé toutes les anciennes routes que je n’avais plus parcourues depuis plus de 35 ans.
Le P. Liên me conduisit un jour jusqu'à Dak Mot où je ne pus pas rester plus de deux heures. Une autre fois, il me conduisit jusqu'à Dak Pek (130 km au nord de Kontum). Sur Dak Tuk, Dak Glay, c’est encore du rengao-sedang, ce qui me permet de les comprendre un peu et de me faire comprendre. Depuis Kon Trang Menây; en passant par Dak Mot, je vois une suite logique de développement linguistique.
À Phuong Hoa, je pris un repas avec plusieurs prêtres de Plei ku et de Kontum : de belles agapes fraternelles.
Dans la soirée du 13 novembre 2003, je fis une visite au commissaire politique du secteur de Kontum. Il fut très sensible à cette visite et me dit qui il espérait que je ne tarderais pas trop à revenir. Le 14 janvier au matin, accompagné du P. Truong et d’un catéchiste de Kontum qui allait prendre l'avion pour rendre visite à des membres de sa famille réfugiés aux Philippines, nous quittâmes Kontum un peu après 5 h. Cela nous permit d’arriver à Saigon en fin d’après midi. Je pris le vol d’air Viêt-Nam et (Saigon-Paris) tard dans la soirée du 16 janvier. J’arrivai à Blagnac le 17 après-midi. À l'aéroport de Saigon j’avais dû payer une amende de 10 dollar pour cinq jours de présence au Viêt-Nam sans visa.
Comme cette année j’avais les poches vides, je ne pus faire aucune aide. J’en profitai pour me rendre compte du mode de vie des chrétiens. L’Esprit Saint souffle toujours sur la région, et les chrétiens sont toujours aussi réceptifs. Cela se manifeste par une pratique religieuse très fervente et un ardent désir de recevoir la communion.
D'autre part, la Légion de Marie, plus vivante qu'avant 1975, se développe très rapidement. En 1998, il y avait 3 presidia à Kontum ; en 2002, j'ai entendu le chiffre de 57, alors qu’un légionnaire d’ancienne date m’a parlé de 70 presidia. Du fait de leur trop grand nombre certains presidia sont obligés de se scinder en deux ou trois pour respecter le temps imparti pour chaque réunion : une heure et demie. Actuellement, à Kontum, il y a 5.000 légionnaires actifs et auxiliaires, presque tous montagnards d'après le P. Liên. J'ai essayé de contacter le directeur spirituel du Senatus à Saigon. Je n’ai pas pu le rencontrer. La seule chose que je puis dire c'est que la Légion de Marie n'est pas reconnue par le gouvernement. Alors les réunions se font sans bruit : il faut être prudent. D'après ce que j'ai pu constater en parlant avec des légionnaires que je connais, beaucoup ont compris l’esprit de la Légion de Marie : amener le monde à Jésus-Christ en restant uni à Marie qui nous entraîne à la suite de son divin fils, en vivant, comme Marie, dans l’obéissance à la volonté divine, l’humilité, la charité, le don de soi.
Actuellement, les chrétiens boivent beaucoup moins qu’autrefois. Certains catéchistes désirent envoyer des jeunes à l’école, avec l'espoir que quelques-uns accèderont au sacerdoce. Avant 1975, cette préoccupation ne leur serait pas venue à l'esprit.
Début 2003, il y avait un certain nombre de montagnards qui vivaient à l'évêché en attendant la prochaine rentrée pour rejoindre le grand séminaire de Hue. Après, il faudra au moins cinq à six années d’études pour avoir une possibilité d'accéder au sacerdoce.
La tension a toujours été très vive entre les Vietnamiens (de race jaune) et les montagnards (indo-européens). Cette tension s’est récemment révélée au niveau du ministère. Il y a un peu plus de dix ans, une bonne dizaine de prêtres quittèrent le diocèse de Kontum, parce qu’ils ne voulaient pas s'occuper des montagnards (quel est le sens de la mission derrière tout cela ?). Alors qu'ils sont plus de cinquante pour cent de chrétiens dans le diocèse, cela permet peut-être d’y voir des raisons qui poussent les montagnards à désirer des prêtres issus de leur peuple.
Depuis 1975, il y a des jeunes hommes qui se sont levés pour remplacer les catéchistes décédés. Ce sont eux qui permettent aux chrétiens d'être fidèles. Actuellement, il y a des jeunes (18-25 ans) qui sont prêts à tout sacrifier pour se mettre au service de leurs frères. Espérons que le nouvel évêque de Kontum saura reconnaître la chance qu’il a d’avoir un tel vivier pour son diocèse.
Prions pour lui afin qui il soit aussi docile aux inspirations de l'Esprit Saint que ses chrétiens montagnards.

Unis dans la prière avec la Mère de Jésus.

R. P. Pierre Chastanet.