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Foi Liturgie et catéchèse
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L'expérience liturgique est-elle une source pour la catéchèse ?
Intervention de Mgr Bernard Charrier, évêque de Tulle, lors de la session régionale de formation des catéchistes et animateurs liturgiques, à Limoges, en septembre 2004.
1. De quoi parle-t-on quand on parle de liturgie ?
Il faut prendre la mesure tout d’abord de l’étendue et de la diversité de cette activité de l’Église :
- Cela va de l’initiation chrétienne aux funérailles. L’initiation chrétienne recouvre celle des adultes avec le catéchuménat, celle des enfants avec l’éducation chrétienne qui l’accompagne. Là est le lieu propre de votre activité de catéchistes.
- La liturgie, c’est par excellence l’assemblée eucharistique dominicale : le dimanche qui est jour de la résurrection du Seigneur, l’eucharistie qui est le mémorial de la Pâque du Christ et l’espérance de sa venue dans la gloire.
- Mais il importe aussi de parler de la Liturgie des Heures, appelée aussi Prière du Temps présent : « Prière du Christ, que celui-ci, avec son Corps, présente au Père » (Constitution sur la liturgie, n° 84) ; prière qui unit à la louange l’intercession pour le salut du monde entier.
- La liturgie, c’est aussi l’eucharistie de chaque jour, avec ses lectures où le Seigneur nous dresse la table de sa parole.
- Il faut parler encore des temps liturgiques, où « se déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l’année, de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur. ». Tout au long de l’année, la liturgie fait mémoire des saints et de la Vierge Marie.
- N’oublions pas enfin les sacrements comme le mariage, l’ordre, l’onction des malades, la réconciliation et plus largement les multiples rites appelés sacramentaux tels les funérailles, les bénédictions, les professions religieuses, les jubilés…
2. Que dit l’Église de sa liturgie ?
Le 4 décembre 1963, il a 40 ans, le concile Vatican II promulguait la constitution sur la liturgie. Dès le préambule, au n° 2, elle nous donne une synthèse remarquable. Il nous y est dit :
- Que la liturgie est le temps et le lieu où se réalise l’œuvre de notre rédemption. Autant dire qu’il y est question de salut, de vie avec Dieu, de vie réconciliée, de paix.
- Qu’elle contribue à ce que notre vie (c’est-à-dire qu’elle doit saisir toute notre vie) exprime et manifeste le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église qui est tout à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles.
- Qu’elle édifie ceux qui sont au-dedans pour en faire l’habitation de Dieu dans l’Esprit.
- Qu’elle les fortifie pour leur faire proclamer le Christ. La liturgie contribue donc à construire le témoignage que les chrétiens ont à rendre.
Ce qui est dit ici de manière synthétique se déploie par la suite autour de quatre axes.
La liturgie prolonge l’œuvre du salut accomplie par le Christ
Elle est proclamation, annonce de la Bonne Nouvelle. Déjà saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens disait à propos du repas du Seigneur : « Chaque fois que vous prenez ce pain… vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » La liturgie est donc réalisation dans le temps présent du salut annoncé ; elle est déjà réconciliation, déjà libération, déjà communion à la pâque du Christ et donc à sa vie. En elle s’accomplit l’aujourd’hui de Dieu. Rappelons-nous la manière dont saint Luc dans son évangile fait résonner cet aujourd’hui : « aujourd’hui vous est né un Sauveur », « aujourd’hui le salut est venu pour cette maison [celle de Zachée] », « aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis. »
La liturgie donne à rencontrer le Seigneur
Au n°7 de la constitution, on lit que « le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques ». Présence qui fait écho à la promesse du Seigneur dans la finale de l’évangile de saint Matthieu : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » Quand le texte dit « surtout », il n’exclut pas d’autres manières pour le Christ d’être présents à nos vies. « Surtout » veut seulement dire de façon privilégiée. Dans la liturgie, la présence du Seigneur se manifeste déjà sous diverses modalités. Il est présent dans l’assemblée (« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux »), dans sa parole (« car c’est lui qui parle quand on lit dans l’Église les saintes Écritures »), dans la personne du ministre, dans le sacrifice eucharistique et au plus haut point dans le pain rompu et la coupe de bénédiction. Autant dire la gravité qui devrait être la nôtre quand nous entrons en liturgie.
La liturgie ouvre l’horizon humain
Je cite ici le texte conciliaire au n°8. « Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem… » Liturgie d’attente, donc, qui nous tient en éveil, culture de l’espérance.
C’est dire que la liturgie de l’Église nous donne à chanter l’alléluia des soucis et non encore celui du repos
Ainsi l’exprime saint Augustin : « Chantons maintenant, mes frères, non pour alléger notre travail. C’est ainsi que chantent les voyageurs : chante, mais marche. » La liturgie de l’Église est une liturgie du temps présent, une liturgie pour le chemin. C’est la raison pour laquelle « la liturgie ne remplit pas toute l’activité de l’Église » (constitution sur la liturgie n°9). Déjà saint Paul disait que le Christ ne l’avait pas envoyé baptiser mais annoncer l’Évangile. « Toutefois la liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute vertu ». Le mot latin virtus signifie plus la force que la vertu morale.
En 1996, la Lettre aux catholiques de France, réfléchissant sur la proposition de la foi dans notre société, reprenait les trois modalités traditionnelles de la mission de l’Église, à savoir : la confession de la foi, le service de l’humanité et la pratique liturgique et sacramentelle. Certains lecteurs ont pu être surpris que ce texte prenne en compte en premier lieu la dimension liturgique et sacramentelle de la vie de l’Église. « Mais si la célébration sacramentelle est véritablement le lieu dont tout part et où tout est appelé à revenir, n’est-ce pas elle qui doit donner leur pleine portée théologale aussi bien à l’engagement dans le monde qu’à l’annonce de la foi ? N’y a-t-il pas en effet un risque réel qu’en se détachant de la vie liturgique et sacramentelle, l’annonce du message se transforme en propagande, que l’engagement des chrétiens perde sa saveur propre et que la prière dégénère en évasion ? »
† Bernard Charrier, évêque de Tulle
L'expérience liturgique est bien une source pour la catéchèse : témoignage d'un participant à la session de Limoges
Les catéchistes, qu'avaient-ils à voir avec la liturgie ? Sinon encore s'occuper des deux parce qu'il n'y avait plus de liturgistes. Eh bien non ! nous avons appris ou redécouvert ou approfondi, durant ces deux jours, que nous pouvions ou que nous devions même faire de la liturgie une catéchèse et même que la liturgie était une catéchèse.
Tous, ou à peu près, nous le pensions, mais le faisons-nous vivre dans nos lieux catéchétiques ?
Entrevoir la présence de Dieu à travers la liturgie d'une messe : les lvres saints, les cierges, les déplacements, les offrandes, les vêtements, les chants... tous ces faits et gestes qui peuvent, si nous le désirons, exprimer la transcendance de Dieu mais aussi son humanité. A travers toutes les liturgies que nous vivons, nous pouvons, avec les enfants, les familles, découvrir Dieu, si nous savons regarder, voir, méditer, les actes liturgiques. Encore faut-il en être persuadé et tout faire pour que nos cérémonies soient belles. Nous ne nous appartenons plus, nous sommes le peuple de Dieu qui célèbre son Seigneur avec tout ce qu'il est, corps et esprit.
Deux jours pour s'en convaincre, deux jours à vivre, des années pour en témoigner.
Ph. Outters
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