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  Temps forts Ethiopie : une aventure de la foi
François, un jeune de Tulle a vécu un temps d’étude en Ethiope. Ce fut également un temps d’approfondissement de la Foi au Christ. C’est cette rencontre et ses rencontres qu’il nous relate dans cet article. L’an prochain, des équipes d’aumônerie, notamment à Tulle, poursuivront cette aventure en essayant de découvrir cette très ancienne culture chrétienne d’Afrique et en vivant une solidarité et un partage concret avec ces jeunes et ces religieuses avec qui François a travaillé. Ce témoignage montre bien qu’il est possible aujourd’hui de se mettre au service des plus pauvres et de vivre une réelle communion avec des communautés chrétiennes qui sont beaucoup plus "exposées" que nous. Le témoignage apostolique et missionnaire de ces sœurs, ou celui d’autres religieux, religieux prêtres, laïcs qui sont au loin et qui vivent dans des situations risquées soutiennent aujourd’hui notre Mission en Corrèze.

Allez jusqu’ aux limites du monde : une aventure de la Foi en Ethiopie

Octobre 2002, je débarque à Addis Abeba !
Octobre 2002, je débarque à Addis Abeba sur les terres de l'Eglise orthodoxe éthiopienne - une Eglise monophysite dogmatiquement proche des coptes mais culturellement très originale -, moi petit catholique français. Jusqu'à récemment, l'image des catholiques était très mauvaise en Ethiopie. Rome était perçu comme une entité colonisatrice ayant toujours en tête de détruire leur Eglise, partie intégrante de leur culture et de leur identité nationale.
Toutefois cette image tend à s'estomper et les Ethiopiens se rendent de plus en plus compte du rôle de temporisateur que joue l'Eglise catholique face aux églises évangéliques protestantes qui battent en brèche un peu partout l'église officielle, évangélisant à coup de dollars. De plus, même si le relativisme culturel n'est pas le fort des Ethiopiens, le catholique demeure à leurs yeux un chrétien. Le pays étant très religieux, et le christianisme le ciment de la société, le fait d'être chrétien inspire confiance.
Après un mois de vie à Addis, je commence à me sentir vraiment à l'aise dans la ville. Addis Abeba n'est pas une ville dangereuse et je peux me promener n'importe où, n'importe quand. Il ne faut évidemment pas avoir peur d'être un objet de curiosité ; curiosité un peu irritante par moment mais qui ne génère que rarement de l'agressivité. Le spectacle des rues d'Addis est assez saisissant. Partout des mendiants, du polyosémite à la horde d'enfants, en passant par des femmes en haillons qui ont fui les disettes de la campagne avec des ribambelles de gosses à leurs basques et qui s'entassent pèle-mêle le long des grands axes de la ville. Et moi au milieu de tout ça qui me promène souvent avec l'équivalent de plusieurs mois de salaires en poche (entre 150 et 300 francs). Pour les Ethiopiens, l'équation est simple. Je suis blanc, donc je suis riche. Pourtant en six mois passés dans ce pays, je n'ai jamais été détroussé, ce qui aurait été très facile à de nombreuses reprises, et je ne me suis jamais senti menacé non plus. Il est des valeurs que ce pays religieux refuse de transgresser, le vol en est une. Pour la première fois de ma vie, je m'aperçois que je suis riche, vraiment riche. Être riche, c'est savoir qu'on a un toit sur la tête, qu'on a l'électricité, l'eau courante. Être riche c'est savoir qu'on aura à manger le soir, et le lendemain. Être riche, c'est savoir que ma sœur n'aura pas à se prostituer pour nourrir la famille. Être riche c'est aussi pouvoir faire des études, avoir un travail, rester maître de son futur, en somme ne pas vivre dans l'urgence du quotidien. J'ai donc pris conscience que je suis vraiment riche et que je vis dans un pays vraiment riche.

Mon expérience d'entraide doit être inspirée par la Foi…

Ces images abstraites de misère diffusées en abondance dans les journaux télévisés, se sont incarnées pour moi en des hommes et des femmes bien réels, des amis que je ne pouvais aider et des frères et des sœurs en train de se mourir. Une phrase s'est incrustée dans ma cervelle et m'a ordonné depuis ces jours de ne pas oublier, ne pas retomber une fois rentré en France dans cette léthargie commune au monde occidental. Ne plus me laisser duper par un monde où une poignée de riches ferment les yeux sur un tiers-monde toujours plus nombreux et plus pauvre.

Comment agir? Toute action semble condamner à n'être qu'une goutte d'eau dans l'océan. Je vois autour de moi tant de gens qui se consacrent à lutter contre la misère (ONG, donateurs,...) , qui buttent perpétuellement contre une citadelle imprenable et qui finissent écœurés ou désabusés. J'ai vu des cœurs plus endurcis et plus charitables que le mien se résigner. C'est à ce point de mon raisonnement que ma foi chrétienne me sauve. Je vois d'une part un peuple affligé qui se tient debout contre vent et marée par la simple force de sa foi, et moi d'autre part, je réalise que l'action doit prendre son sens dans la prière. Mon expérience d'entraide doit être inspirée par ma foi. Avant même mon départ, j'avais le désir d'aller à la rencontre et d'essayer d'aider la communauté catholique éthiopienne. Au cours de mon premier mois à Addis, ma position s'est affinée et je me suis rendu un beau matin à l'orphelinat catholique de "Kidane Mehret", tenu par des sœurs franciscaines.
A mon arrivée, un peu déboussolé, je suis pris en main par deux, trois gamins qui me bombardent de questions, et me conduisent jusqu'à une sœur. Je propose mon aide et me met à la disposition de la communauté. Elle me demande de repasser dans l'après-midi afin de rencontrer la mère supérieure. De retour à 16 heures, je rencontre la sœur Lutvgarda, petite bonne femme d'un mètre cinquante dont la force et l'énergie tranchent nettement avec sa petite taille et sa chétivité. Elle me propose de surveiller l'heure d'étude des élèves du primaire du lundi au vendredi. Je lui demande quand j'embauche, elle me répond tout de suite. Me voila devant une vingtaine d'enfants, de 9 à 13 ans dans un premier temps, de 6 à 10 ans par la suite. J'ai donc vu passer dans ma classe à peu près la moitié des enfants de l'orphelinat, qui sont au nombre d'une centaine, du nourrisson retrouvé dans la rue, aux adolescents de 17 ans qui ont souvent grandi ici. En ce qui concerne l’autre moitié, je jouais avec les plus grands un rôle d’ami extérieur voire de grand frère. Ils me parlaient de ce dont ils n’osaient pas parler avec les sœurs. Pour les petits je leur apportais la seule chose qui compte à cet âge là, de l’affection. Au delà de mon rôle de professeur que j'essayais d'assumer tant bien que mal, j'ai tissé avec chacun des enfants des liens très forts. Ces gamins qui ont des histoires souvent abominables sur leurs petites épaules ont cruellement besoin d'affection et se livrent naturellement et sans aucune retenue à n'importe qui leur offrant un peu d'attention et d'amitié. Le fait de me voir revenir chaque jour a très vite fait que je suis devenu l'un des membres de cette immense famille à la fois terriblement touchée par l'injustice de la vie, mais également resplendissante de toute la joie et l'espoir du Seigneur.

Pourtant les enfants sont heureux !

Et cette dualité reflète assez bien les sentiments qui m'animaient chaque jour en me rendant "au travail". Ces enfants en attente - souvent vaine - d'une famille et d'un avenir avaient créé en contrepartie une communauté remarquable d'entraide et de soutiens mutuels. Contrairement à d'autres orphelinats, à Kidane Mehret, les enfants sont de tous âges. Du coup la douleur de l’abandon peut être soulagée par des grands frères qui reportent un peu de l’affection dont ils manquent tant sur les plus jeunes. Relativement à d’autres orphelinats, les enfants sont heureux. Non pas qu’ils aient plus que d’autres, mais seulement grâce à l’obstination, au dévouement, et je dirais au génie de ces sœurs qui subviennent à leurs besoins les plus essentiels avec trois fois rien. Si les enfants ne manquent pratiquement de rien, ils se contentent tout de même d’un quotidien extrêmement frustre. Les repas quotidiens sont faits exclusivement d’aliments de base, leurs vêtements sont vieux, usés, et bien souvent percés. En ce qui concerne les jeux, ils s’amusent de balles de tissus, de morceaux de bois, et de jeux de dames faits avec des bouchons de bouteille. Si je ne m’étais pas aperçu au début de l’extrême dénuement de leur vie, je l’ai réalisé le jour où je les ai invités à venir goûter chez moi. Chaque jour précédant l’événement, ils me demandaient si j’allais bien les inviter. La déception est leur quotidien, ils n’auraient pas été plus surpris que ça que je décommande ! Le jour du goûter, ils m’attendaient tous devant la porte vêtus de leurs habits du dimanche ! Chez moi, ils se sont tous tenus incroyablement bien….
Tout ça pour montrer que cette communauté de Kidane Mehret est admirablement bien gérée. Pourtant cette communauté vit dans l’urgence notamment en faisant vivre cette centaine d’enfants et en construisant une salle annexe.

Voilà de bonnes raisons pour une Eglise " riche " comme la nôtre de venir en aide matériellement à nos frères et sœurs, mais la meilleure raison – pour moi tout du moins – est de ne pas laisser tomber ces religieuses et ces enfants. Afin qu’ils sachent qu’à des milliers de kilomètres de chez eux, des chrétiens prient pour eux et les aident concrètement.


François Tillinac